lundi 27 février 2017

De l’intérêt d’une infrastructure de services sur un territoire


Constat

Dans le domaine du numérique, quand on emploie le terme "infrastructures", on fait souvent référence aux équipements permettant de connecter les usagers au réseau internet. Il s'agit essentiellement des liaisons cuivres, fibre optique ou sans fil, reliant l'abonné à un point d'accès au réseau national ou international.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, on parlera des infrastructures HD (Haut-Débit) ou THD (Très Haut-Débit) des opérateurs IRIS64, PBC, Orange, ...

À côté des infrastructures, on emploie le terme "usages" pour qualifier les services numériques déployés sous forme d'applications accessibles sur internet et qui permettent aux usagers de tirer profit du Cloud (stockage, messagerie, applications métier...).

À partir de là, avec le couple "infrastructures" et "usages", on se dit que l'architecture est complète et que tout est parfait...
En réalité, on se rendra probablement vite compte que ça fonctionne plus ou moins bien...

Illustration avec un usager qui est relié à internet par un fournisseur d'accès (FAI) et qui cherche à atteindre un service web (par exemple le site internet de la commune), hébergé sur un serveur, lui aussi connecté à internet par un FAI.
Pour aller du "FAI usager" au "FAI site", on va passer par plusieurs points du réseau internet, augmentant à chaque fois la latence.
Cette latence correspond au temps d'attente provoqué par le signal qui parcourt la distance géographique et les différents équipements de communication. Elle est particulièrement sensible sur certaines applications (téléphonie, visio, ...).
Une latence élevée se traduira par des ralentissements, des saccades dans la communication, ... bref des dysfonctionnements que nous constatons tous parfois.


Exemple concret : je suis un usager habitant à Anglet, abonné internet via Numericable (groupe SFR) et je cherche à accéder au site internet de l'IUT de Bayonne (www.iutbayonne.univ-pau.fr), auto-hébergé au sein de l'IUT, soit à quelques km. Voici le parcours emprunté :


On constate le nombre important d'équipements traversés et la latence induite par ce parcours qui va d'Anglet à Paris, puis retour par Lyon, Clermont, Pau et Bayonne...

Diagnostic

Internet est composé de réseaux de différents niveaux hiérarchiques, interconnectés entre eux et opérés par des acteurs spécifiques.

Pour faire simple, on classe ces opérateurs en 3 catégories :
  • Tier 3 : Opérateur local/régional de collecte et de desserte
  • Tier 2 : Opérateur d'acheminement disposant d'un maillage national (Orange, SFR...)
  • Tier 1 : Opérateur de liaisons internationales (Cogent, Level 3...)
En général, un opérateur Tier 1 est relié par un accord de transit à des opérateurs Tier 2, eux-mêmes reliés à des opérateurs Tier 3. Ce maillage permet ainsi l'interconnexion mondiale de tous les équipements connectés à internet (serveurs, ordinateurs, mobiles...). 


Aucun opérateur ne disposant d'un réseau reliant l'ensemble des utilisateurs/services, on se trouve face à un constat où l'essentiel du trafic internet va passer par les nœuds d'interconnexion entre Tier 2 et Tier 1 (Paris), et ce même pour des échanges entre deux points situés dans la même zone de province.

Il s'avère que l'essentiel des besoins des usagers sollicite des services d'organismes/entreprises :
  • soit locaux (Commune, Conseil Départemental, Établissements scolaires, URSSAF/CNAM/CAF, ...), souvent hébergés dans des DataCenter parisiens
  • soit internationaux (les fameux GAFA), hébergés dans des DataCenter interconnectés Tier 1, sous la forme de l'accès à des services comme Google Drive, Facebook, Office 365...
Autrement dit, un usager des Pyrénées-Atlantiques sera peu amené à solliciter des services localisés dans la Drôme ou le Doubs.

On constate donc :
  • que les DataCenters nationaux sont plutôt éloignés des usagers de province, et ce pour fournir souvent des services d'entités locales
  • que l'accès à des services hébergés localement passe probablement quand même par Paris
  • que l'accès aux services hébergés dans des DataCenters internationaux (GAFA) va passer par des points d'interconnexion de Tier 2, qui n'apportent aucune plus-value
L'optimisation des usages s'attachera à prendre en compte cette problématique, très souvent ignorée, en construisant, à côté des "infrastructures" et des "services", une "infrastructure de services".

Proposition

Quel est LE critère à optimiser pour une "infrastructures de services" efficace ?

Il s'agit essentiellement de "raccourcir" le trajet nécessaire pour accéder à un service depuis le poste d'un usager.

Cet objectif peut être atteint progressivement en jouant sur plusieurs paramètres.


1. Favoriser l'émergence de DataCenters territoriaux de qualité, au sein desquels des hébergeurs pourront proposer des services. L'exigence de qualité suppose des moyens (techniques, compétences, ...) qui sont difficilement à la portée d'une seule organisation, d'où la voie de la mutualisation, comme piste pour équiper un territoire.

2. Favoriser la création de points d'interconnexion locaux entre opérateurs (GIX pour Global Internet Exchange), qui sont des points du réseau internet où différents acteurs vont interconnecter physiquement leurs équipements pour échanger du trafic sans passer par les opérateurs de niveaux supérieur.
Les GIX visent souvent à relier les DataCenters d'opérateurs/hébergeurs locaux/régionaux, les FAI et RIP existants.

3. Favoriser la présence de transitaire IP (Tier 1) sur le GIX local pour donner un accès plus performant aux services "internationaux" en court-circuitant les transitaires Tier 2.

Ces mesures donneraient lieu à un modèle à deux niveaux :
  • un accès à un GIX territorial interconnectant les hébergeurs et les FAI présents localement
  • un accès direct au réseau internet "international"


PS : Ce billet est le fruit d'une réflexion entamée depuis plusieurs années et qui a abouti suite à des échanges avec Jean-Louis Mélin, Directeur de la société Izarlink. Cet opérateur alternatif du Pays Basque et du bassin de l'Adour propose une offre de services basée sur une architecture proche de celle décrite ci-dessus. 

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